Ingestion caustique chez les adultes : épidémiologie et premiers résultats

Une étude approfondie menée en France sur une période de 10 ans évalue l'épidémiologie et les premiers résultats associés à l'ingestion de produits caustiques chez les adultes, mettant en lumière l'incidence, les caractéristiques cliniques et la prise en charge de cette maladie potentiellement mortelle.

Novembre 2022

L’ingestion de caustiques chez l’adulte peut entraîner la mort ou de graves séquelles digestives [1]. Les taux de morbidité et de mortalité rapportés en urgence, après ingestion massive d’agents caustiques puissants, varient respectivement entre 13 % et 16 % et 36 % à 80 % [1-3].

Après une prise en charge conservatrice initiale, 14 à 37 % des patients développent une sténose œsophagienne [4,5].

Les complications, précoces et tardives, associées à l’ingestion de produits caustiques nécessitent une utilisation importante des ressources de santé et peuvent avoir un impact négatif à long terme sur la survie des patients et les résultats nutritionnels [3,6].

Une limite de la bibliographie est que les quelques études qui se concentrent sur ce sujet sont rapportées par des centres de référence avec un volume de cas élevé, qui ont une expérience significative en chirurgie de l’œsophage.

Le manque de données épidémiologiques au niveau national entraîne des difficultés liées à l’applicabilité de leur analyse à des centres moins spécialisés, mais fréquemment impliqués dans le traitement d’urgence des patients après ingestion caustique.

Plusieurs grands ensembles de données épidémiologiques mondiales ont été rapportés [7-9], mais leur interprétation est gênée par le fait que ces rapports incluent toutes les blessures caustiques, sans se concentrer spécifiquement sur l’ingestion de substances caustiques [10].

L’ objectif de cette étude était d’analyser au niveau national l’épidémiologie et les premiers résultats associés à l’ingestion de produits caustiques en France, sur une période de 10 ans.

Méthodes

Conformément à la législation française sur les analyses rétrospectives de données, le consentement écrit ou l’approbation d’un comité d’éthique indépendant n’était pas nécessaire pour la présente étude. Il a suivi les directives RECORD ( Reporting of Studies Conducted Using Observational Routinely Collected Data ) [11].

> Programme de médicalisation des systèmes d’information de bases de données

Les données ont été extraites de la base de données du système d’information médicale française Programme De Médicalisation Des Systèmes D’informations (PMSI) [12]. Le PMSI est une base de données prospective nationale regroupant les patients de tous les hôpitaux publics et privés de France.

Il s’appuie sur des rapports de sortie standardisés après hospitalisation : chaque rapport est un recueil d’un ou plusieurs résumés de chaque unité médicale vers laquelle les patients ont été orientés lors de leur séjour à l’hôpital. Les diagnostics sont codés à l’aide de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, dixième révision (CIM-10).

Les actes thérapeutiques sont codés selon la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM), qui est une classification nationale standardisée des actes médicaux et chirurgicaux [13].

Les patients pouvant effectuer plusieurs séjours à l’hôpital, chaque patient est identifié dans le PMSI à l’aide d’un numéro d’identification anonyme unique. Ce numéro est généré à partir du numéro de sécurité sociale, de la date de naissance et du sexe du patient et permet de conserver un enregistrement complet et à vie de toutes les hospitalisations en France.

Comme tous les rapports de sortie sont obligatoires et représentent la base du financement de l’hôpital, la base de données PMSI est complète et sa validité a été confirmée par croisement avec d’autres bases de données de cohortes prospectives [14-16].

> Identification des patients

Les données de janvier 2010 à décembre 2019 ont été extraites de la base PMSI. Tous les patients ambulatoires admis en urgence en raison d’une ingestion œsophagienne de produits caustiques ont été identifiés et inclus dans la présente étude.

L’ingestion œsophagienne de produits caustiques a été définie comme le diagnostic principal, code T281 ou T286 selon la classification CIM-10. Les patients pédiatriques âgés de 15 ans ou moins et les patients dont le numéro d’identification était invalide ont été exclus de l’analyse.

> Définitions des variables et des résultats

Les données liées aux caractéristiques démographiques des patients ont été extraites de la base de données. Les codes CIM-10 des diagnostics associés ont été utilisés pour identifier tout état psychiatrique ou comorbidité associé, qui ont été classés selon l’indice de comorbidité de Charlson [17,18]. Des maladies psychiatriques et des ingestions involontaires ont également été enregistrées.

La nature de l’ingestion (c’est-à-dire non intentionnelle ou intentionnelle) était basée sur le rapport du patient et était codée X49, selon la CIM-10. La présence de troubles psychiatriques a été définie par les codes CIM-10 F0 à F7. Ces codes étaient indépendants. La gestion de l’unité de soins intensifs (USI) a été enregistrée ainsi que l’assistance ventilatoire mécanique et la transfusion sanguine.

Toutes les procédures thérapeutiques ont été identifiées selon la CCAM. Les interventions chirurgicales d’urgence ont été classées en œsophagectomie, gastrectomie, colectomie et résections de l’intestin grêle, de la rate et du pancréas.

L’ablation d’organes autres que l’estomac et l’œsophage a été définie comme une résection étendue. La création d’une jéjunostomie nourricière a également été enregistrée. En l’absence de nécrose transmurale, les patients se sont vu proposer un traitement non chirurgical. Il comprenait une assistance en réanimation – si nécessaire – pour les fonctions vitales (rénales, circulatoires, respiratoires), des soins infirmiers, un soutien psychologique et une reprise progressive de l’alimentation orale.

La mortalité et la morbidité ont été définies respectivement comme les décès et les complications à l’hôpital. Les complications ont été enregistrées selon les codes CIM-10. La chirurgie reconstructive a été définie comme une procédure d’œsophagocoloplastie ou de gastroplastie au cours de la période d’étude.

La charge de travail de l’établissement a été définie comme le nombre d’incidents d’ingestion de produits caustiques par établissement au cours de la période d’étude. Cette variable a été catégorisée à l’aide du seuil tertile pour créer 3 catégories de taille similaire.

Selon le nombre de patients traités par an, les centres ont été classés en faible volume (moins de 2 patients/an), volume moyen (2 à 9 patients/an) et volume élevé (plus de 9 patients/an). . En utilisant la même méthode, les centres ont également été classés selon le nombre de résections œsophagiennes oncologiques réalisées chaque année, en volume faible (moins de 5 par an), moyen (5 à 55 par an) et élevé (plus de 55 résections œsophagiennes par an). . anus).

Les données des patients référés vers un autre centre de santé après la première admission ont été analysées. Pour définir les volumes centraux et pour les analyses statistiques ultérieures, les patients ont été classés par centre de présentation.

> Analyse statistique

L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du programme R version 4.1.2 (R Foundation). Les analyses descriptives sont présentées sous forme de médianes et d’intervalle interquartile (IQR), ou sous forme de moyennes et d’écart type (SD), pour les données quantitatives, et sous forme de nombres et de pourcentages pour les variables catégorielles.

Des analyses univariées ont été effectuées avec des modèles linéaires généraux pour les résultats binaires et des modèles linéaires pour les résultats continus, à l’aide du package de publication pour R, version 2020.12.23 (R Foundation).

Une analyse multivariée a été réalisée selon la résection logistique, en utilisant un modèle linéaire général. Toutes les variables avec une valeur P inférieure à 0,20 dans l’analyse univariée ont été incluses dans le modèle multivarié.

Les résultats des analyses multivariées sont présentés sous forme d’ odds ratios (OR) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Tous les tests étaient bilatéraux avec un niveau de signification fixé à P <0,05. Une matrice de corrélation a été réalisée pour évaluer la colinéarité.

Résultats

> Patients

Au cours de la période d’étude, un total de 22 657 226 patients ont été admis dans les hôpitaux français en ambulatoire d’urgence. 3 544 patients (0,016 %) admis pour ingestion de produits caustiques ont été inclus dans cette étude.

Ces patients ont été traités dans un total de 435 hôpitaux, dont 404 centres à faible volume (93 %), 27 centres à volume moyen (6 %) et 4 centres à volume élevé (1 %). Au total, 1 124 patients (32 %) ont été traités dans des centres à faible volume, 1 124 (34 %) dans des centres à volume moyen et 1 196 (34 %) dans des centres à volume élevé.

Sur les 2 348 patients admis dans les centres à faible et moyen volume, 76 (3,2 %) ont été orientés vers des centres plus grands ; parmi eux, 24 (1 %) ont été transférés dans les 24 heures et 66 (2,8 %) dans les 48 heures suivant l’ingestion du produit caustique.

L’âge médian (IQR) était de 49 (34-63) ans et 1 685 patients (48 %) étaient des femmes. L’ingestion a été enregistrée comme non intentionnelle chez 381 patients (11 %) et 2 546 patients (72 %) avaient des antécédents de maladie psychiatrique.

La nature de l’agent ingéré a été précisée chez 1 185 patients (33 %) et comprenait 221 acides, 604 alcalis et 360 autres agents.

Le nombre annuel d’hospitalisations pour ingestion de produits caustiques est resté stable, tandis que le nombre d’incidents d’ingestion involontaire a augmenté régulièrement tout au long de la période d’étude. Moins de 5 % (34 sur 744) des incidents d’ingestion étaient involontaires au début de la période d’étude, contre environ 20 % (119 sur 671) à la fin de l’étude.

> Gestion des urgences

L’endoscopie a été utilisée pour évaluer la gravité des lésions caustiques chez 2 033 patients (57 %) et la tomodensitométrie (TDM) chez 1 355 (38 %) ; 969 patients (27 %) n’ont eu ni endoscopie ni tomodensitométrie. Le recours à l’endoscopie est resté stable tout au long de la période d’étude.

L’utilisation de la tomodensitométrie a augmenté régulièrement, passant de 23 % (169 patients sur 744) entre janvier 2010 et décembre 2011, à 52 % (349 patients sur 671) entre janvier 2018 et décembre 2019 ( P < 0,001).

Une résection chirurgicale a été réalisée chez 388 patients (11 %) au cours du séjour à l’hôpital primaire et comprenait 156 résections œsophagiennes (40 %), 103 œsophagastrectomies (27 %) et 98 résections gastriques (25 %).

Une résection étendue a été réalisée chez 49 patients (1 %) et comprenait 22 résections pancréatiques, 13 résections coliques, 16 résections de l’intestin grêle et 18 résections spléniques. L’intervention de résection a été interrompue chez 31 patients (8 %) en raison d’une nécrose digestive étendue.

Une prise en charge non chirurgicale a été réalisée chez 3 156 patients (89 %). Parmi eux, 1 047 patients (33 %) ont été admis en réanimation, 346 (11 %) ont reçu des vasopresseurs pour insuffisance circulatoire, 236 (7,5 %) ont nécessité une assistance ventilatoire et 24 (0,8 %) ont subi une filtration rénale. .

En raison de l’impossibilité de reprendre l’alimentation orale, une jéjunostomie d’alimentation a été réalisée chez 245 patients n’ayant pas subi de chirurgie.

> Premiers résultats

Au total, 1 198 patients (34 %) ont présenté des complications et 294 (8 %) sont décédés. Les complications pulmonaires étaient les événements indésirables les plus fréquents, survenant chez 869 patients (24 %).

Lors de la prise en charge des urgences, 1 418 patients (40 %) ont dû être admis en soins intensifs. Une assistance respiratoire préopératoire a été nécessaire chez 370 patients (10 %) et 122 patients (6 %) ont nécessité une transfusion sanguine. Au total, 202 patients (6 %) ont subi une trachéotomie pour la prise en charge des complications respiratoires.

Parmi les patients opérés d’une nécrose digestive, 294 (76 %) ont présenté des complications et 96 (25 %) sont décédés.

Les taux de mortalité associés à l’œsophagectomie, à la gastrectomie, à l’œsophagastrectomie, à la résection étendue et à la chirurgie avortée étaient respectivement de 17 %, 17 %, 21 %, 37 % et 100 %. Parmi les 3 156 patients ayant subi un traitement non chirurgical, les taux de mortalité et de morbidité hospitalières étaient respectivement de 6 % (n = 198) et 29 % (n = 904).

En analyse multivariée, les prédicteurs indépendants de mortalité comprenaient : un âge plus avancé (OR 1,06 ; IC à 95 % : 1,05-1,07 ; P < 0,001), un score de comorbidité élevé (OR 1,14 ; IC à 95 % : 1,08-1,20 ; P < 0,001), des tendances suicidaires. ingestion (OR 3,45 ; IC 95 % : 1,85-7,14 ; P < 0,001), admission en USI (OR 4,42 ; IC 95 % : 3,17-6,21 ; P < 0,001), chirurgie d’urgence pour nécrose digestive (OR 3,44 ; IC 95 % : 2,47-4,78 ; P < 0,001), et traitement dans des centres à faible volume de cas (OR 1,45 ; IC à 95 % : 1,01-2,08 ; P = 0,04).

En analyse multivariée, les prédicteurs indépendants de morbidité comprenaient : un âge plus avancé (OR 1,02 ; IC à 95 % : 1,02-1,03 ; P < 0,001), un score de comorbidité élevé (OR 1,07 ; IC à 95 % : 1,03-1,11 ; P < 0,001). , l’admission en soins intensifs (OR 8,07 ; IC à 95 % : 6,72-9,10 ; P < 0,001) et la chirurgie d’urgence pour nécrose digestive (OR 2, 82 ; IC à 95 % : 2,16-3,71 ; P < 0,001).

Des analyses de mortalité et de morbidité ont été réalisées en catégorisant les centres en fonction du nombre de résections oncologiques œsophagiennes annuelles, fournissant des résultats similaires.

La prise en charge de l’ingestion de produits caustiques dans les centres pratiquant moins de 5 résections œsophagiennes par an était un prédicteur indépendant de mortalité. Les taux de morbidité et de mortalité n’étaient pas différents entre les patients ayant ingéré des acides et ceux ayant ingéré des alcalis.

> Endoscopie thérapeutique et reconstruction œsophagienne

L’endoscopie thérapeutique a été utilisée pour la gestion des sténoses chez 409 patients (12 %) ; Parmi eux, 323 patients ont subi une dilatation uniquement, 19 uniquement la pose d’un stent et 67 les deux (dilatation et stent). Les patients ont subi une médiane (IQR) de 3 (1-5) procédures endoscopiques.

La chirurgie de reconstruction a été utilisée chez 456 patients (13 %). Le délai médian (IQR) de reconstruction était de 6 (3-10) mois. La reconstruction œsophagienne a été réalisée à l’aide de l’estomac chez 113 patients, dont 39 opérations d’Ivor Lewis, 58 interventions de McKeown et 16 gastroplasties rétrosternales. Une reconstruction œsophagienne avec le côlon a été réalisée chez 343 patients et les anastomoses œsophagocoliques étaient localisées au niveau du cou chez tous les patients.

La reconstruction œsophagienne a été réalisée dans des centres à volume élevé, moyen et faible chez 223 patients (49 %), 204 (45 %) et 29 patients (6 %), respectivement. Après reconstruction œsophagienne, 323 patients (71 %) ont présenté des complications hospitalières et 22 (5 %) sont décédés. Les taux de morbidité et de mortalité à l’hôpital étaient similaires après reconstruction de l’œsophage avec l’estomac et le côlon.

> Réadmissions à l’hôpital

Au cours du suivi, 2 577 patients (73 %) ont nécessité au moins une réadmission à l’hôpital. Le nombre médian (IQR) de réadmissions chez ces patients était de 4 (2-9)

Discussion

Cette étude nationale rapporte la prise en charge précoce et les résultats associés à l’ingestion de produits caustiques, dans une cohorte de 3 544 patients admis dans les hôpitaux en France, de 2010 à 2019. Ces patients représentaient 0,016 % de toutes les admissions ambulatoires d’urgence en France au cours de la même période.

Il existe un consensus général en France selon lequel l’ingestion de produits caustiques nécessite une hospitalisation [19].

Il est donc fort probable que le pourcentage de patients perdus (c’est-à-dire décédés avant leur admission ou n’ayant pas reçu de consultation médicale) soit minime et que ces chiffres reflètent fidèlement la réalité clinique du pays. Ces données mettent en évidence des modifications intéressantes dans les schémas d’ingestion et de gestion des urgences des lésions caustiques au fil du temps.

Premièrement, une augmentation constante des incidents d’ ingestion non intentionnelle a été constatée, au cours d’une période où le nombre total de cas annuels est resté globalement stable. Il n’y a pas d’explication claire à cette constatation ; aucun programme pédagogique spécifique ni mesure efficace visant à limiter l’accès aux agents caustiques forts n’a été mis en œuvre en France pendant la période d’étude.

Deuxièmement, nous avons constaté une augmentation constante de l’utilisation de la tomodensitométrie dans l’évaluation d’urgence des lésions caustiques. Cette découverte souligne l’impact clinique des publications récentes, qui ont montré que la tomodensitométrie surpassait l’endoscopie dans la détection de la nécrose caustique transmurale [1,4,20,21], conduisant à l’approbation d’algorithmes de gestion basés sur la tomodensitométrie par des équipements spécialisés [22- 24]. L’absence d’examens (TDM et/ou endoscopie) chez plus d’un quart des patients était surprenante.

On peut supposer que la quantité ingérée était minime chez certains patients qui n’auraient pas nécessité d’investigation ou de thérapie spécifique, et dont l’inclusion dans l’étude pourrait être remise en question. Cependant, une investigation systématique des incidents d’ingestion de produits caustiques est recommandée, étant donné que les quantités ingérées ne sont généralement pas connues ni fiables et que les symptômes sont mal associés à la gravité des lésions digestives.

L’absence d’investigations d’urgence était probablement due au manque de disponibilité, c’est-à-dire au fait qu’un certain nombre de petits hôpitaux n’avaient pas accès 24 heures sur 24 au scanner ou à l’endoscopie, combiné à une mauvaise compréhension du degré d’urgence du matériel médical. Les taux élevés de mortalité (8,3 %) et de morbidité (28 %) dans cette population spécifique soutiennent cette hypothèse.

Même si la majorité des incidents d’ingestion dans cette étude (89 %) étaient intentionnels et que des conséquences plus graves pouvaient être attendues, la majorité des patients (89 %) n’ont pas été traités chirurgicalement.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat. Dans de nombreux cas, la cause de la tentative de suicide n’est pas un réel désir de mourir ; La douleur et les changements d’avis de dernière minute peuvent limiter les quantités ingérées. Les oxydants induisent des dommages moins graves que les acides et les alcalis, même s’ils sont ingérés intentionnellement. Il convient de noter que ces chiffres concordent avec les rapports récents, qui montrent un déclin constant des approches chirurgicales en situation d’urgence.

Les auteurs ont rapporté des taux de mortalité et de morbidité de 8 % et 34 %, respectivement.

La mortalité et la morbidité ont augmenté chez les patients nécessitant une intervention chirurgicale pour nécrose digestive ; Les taux de mortalité étaient associés à l’étendue de l’atteinte digestive. L’analyse multivariée a montré que les résultats étaient associés à des facteurs liés au patient (âge, score de comorbidité et suicide) et à la gravité des lésions caustiques (c’est-à-dire la nécessité d’une intervention chirurgicale ou d’une prise en charge en soins intensifs). Ces résultats sont cohérents avec les données publiées concernant les résultats de la chirurgie d’urgence pour les blessures caustiques [1].

Une découverte majeure a été l’amélioration significative de la survie à l’hôpital des patients traités dans des centres à volume élevé. Au cours des 20 dernières années, un grand nombre de publications ont montré de plus grands bénéfices associés à l’augmentation du volume de cas hospitaliers et chirurgicaux sur les résultats périopératoires chez les patients subissant des opérations électives à haut risque [25,26]. , et urgence [27,28].

Dans le monde entier, il existe une tendance actuelle à la centralisation des procédures à haut risque et des seuils minimaux sont régulièrement définis pour les hôpitaux et les chirurgiens pour les résections œsophagiennes [29], pancréatiques [30], hépatiques [31] et rectales. [32].

À la connaissance des auteurs, la présente étude est la première à suggérer qu’un traitement d’urgence dans des centres à volume élevé peut bénéficier aux patients présentant des effets indésirables associés à l’ingestion de produits caustiques. Ces bénéfices en matière de survie peuvent être associés à une meilleure sélection des patients à opérer, à des améliorations de la stratégie de prise en charge per- et postopératoire et à un large accès à une prise en charge multidisciplinaire.

Au vu de ces constats, le très faible taux de référence des lésions caustiques vers les grands centres en France est préoccupant ; Cela peut également représenter un levier pouvant être utilisé pour améliorer les résultats pour les patients.

En revanche, seulement 6 % des procédures de reconstruction œsophagienne ont été réalisées dans des centres à faible volume. Ceci peut suggérer que les reconstructions œsophagiennes sont perçues comme des procédures difficiles par les chirurgiens, qui les orientent spontanément vers des équipes expertes ; Cela pourrait également expliquer pourquoi les premiers résultats après reconstruction œsophagienne, dans cette étude nationale, sont comparables à ceux rapportés par des centres hautement spécialisés [1].

Bien que la conception de l’étude ne permette pas une analyse spécifique des résultats à long terme, la reconstruction de l’œsophage dans des unités hautement spécialisées peut également bénéficier aux résultats nutritionnels.

Le taux élevé de réadmission dans cette étude peut indiquer l’impact à long terme de l’ingestion caustique sur la vie des patients, bien que la conception de l’étude ne permette pas de mesurer la corrélation directe entre la réadmission à l’hôpital et l’épisode d’ingestion caustique. , l’utilisation des ressources de santé était étonnamment élevée par rapport à l’âge et aux comorbidités de la population.

> Limites

Cette étude a des limites. Premièrement, une base de données administrative utilisée à des fins plus financières que de recherche a été utilisée ; cela peut rendre discutable l’exactitude du codage des données. Cependant, la base de données PMSI utilisée pour l’allocation du budget hospitalier fait l’objet de contrôles réguliers pour limiter le risque de surcodage et s’est révélée précise avec des contrôles de qualité internes et externes [25].

Deuxièmement, la conception de l’étude basée sur la base de données PMSI n’a pas permis de suivre les patients et les auteurs n’ont donc pas été en mesure de fournir une analyse nutritionnelle et de survie à long terme. Il s’agit d’un inconvénient majeur, étant donné qu’il a déjà été démontré que la survie et les résultats fonctionnels des patients présentant des lésions caustiques graves ont tendance à se détériorer avec le temps [3]. De plus, étant donné que le PMSI ne code que la mortalité à l’hôpital, l’analyse peut avoir été biaisée par l’exclusion des décès hors de l’hôpital.

La base de données PMSI ne calcule pas les scores de gravité au moment de l’admission aux soins intensifs (par exemple, l’APACHE [ Acute Physiologic and Chronic Health Evaluation ], ou le POSSUM [ Physiological and Operative Severity Score for the Enumération of Mortality and Morbidity ]), ce qui pourrait aider identifier les patients les plus susceptibles de bénéficier d’une orientation précoce vers un centre à volume élevé. De plus, la conception de l’étude basée sur un registre ne permettait pas de disposer d’un algorithme de gestion personnalisé des patients.

Outre les patients des centres à faible volume, certains patients des centres à volume moyen pourraient bénéficier d’un transfert vers un centre à volume élevé ; La présence de lésions étendues (par exemple, nécrose pancréatique ou duodénale, ou atteinte des voies respiratoires) doit être envisagée pour une orientation ou, au moins, discutée avec une équipe d’un centre à volume élevé.

L’augmentation des incidents d’ingestion involontaire au fil du temps ne peut pas être expliquée par la présente étude ; Des facteurs culturels ou familiaux peuvent être impliqués, mais n’ont pu être évalués puisque la base de données PMSI ne comprend pas ce type d’informations.

Conclusions

  • Dans cette étude, les taux de mortalité et de morbidité à l’hôpital après ingestion de produits caustiques étaient élevés et étaient associés aux caractéristiques des patients et à la gravité des blessures initiales.
     
  • Au cours de la dernière décennie, les modes d’ingestion de produits caustiques ont changé, avec une augmentation progressive des incidents d’ingestion non intentionnelle.
     
  • En parallèle, l’évaluation tomodensitométrique remplace progressivement l’endoscopie dans les protocoles de prise en charge des urgences.
     
  • Dans cette étude, l’orientation vers des centres spécialisés était associée à une survie précoce après ingestion de produits caustiques. Si possible, les hôpitaux à faible volume devraient transférer les patients vers des centres plus grands plutôt que de tenter une prise en charge sur place.