Les symptômes cognitifs après la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19), causée par le syndrome respiratoire aigu sévère coronavirus 2 (SARS-CoV-2), sont bien reconnus. Cependant, il reste incertain s´il existe des déficits cognitifs mesurables objectivement et combien de temps ils persistent.
Dans une étude menée en Angleterre, nous avons invité 800 000 adultes à effectuer une évaluation en ligne de la fonction cognitive. Nous avons estimé un score cognitif global sur huit tâches. Nous avons supposé que les participants présentant des symptômes persistants (durant ≥12 semaines) après le début de l´infection auraient des déficits cognitifs globaux mesurables objectivement, notamment dans les fonctions exécutives et la mémoire. Cela serait particulièrement observable chez ceux qui ont signalé une mauvaise mémoire récente ou des difficultés à penser ou à se concentrer (appelées « brouillard mental »).
Sur les 141 583 participants ayant commencé l´évaluation cognitive en ligne, 112 964 l´ont complétée.
Dans une analyse de régression multiple, les participants qui s´étaient rétablis de la Covid-19 et dont les symptômes avaient disparu en moins de 4 semaines ou après au moins 12 semaines présentaient de légers déficits similaires dans la cognition globale par rapport à ceux du groupe sans Covid-19 (qui n´avaient pas été infectés par le SARS-CoV-2 ou avaient une infection non confirmée), avec des réductions des scores cognitifs de -0,23 DS [intervalle de confiance (IC) de 95 %, -0,33 à -0,13] et -0,24 DS [IC de 95 %, -0,36 à -0,12]. Des déficits plus importants ont été observés chez les participants avec des symptômes persistants non résolus (-0,42 DS ; IC de 95 %, -0,53 à -0,31) par rapport au groupe sans Covid-19.
Des déficits plus prononcés ont été observés chez les participants infectés par le SARS-CoV-2 durant les périodes où le virus original ou le variant B.1.1.7 était prédominant, comparativement à ceux infectés par des variants ultérieurs (par exemple, -0,17 DS pour le variant B.1.1.7 par rapport au variant B.1.1.529 ; IC de 95 %, -0,20 à -0,13). De plus, les participants hospitalisés présentaient des déficits cognitifs plus marqués que ceux qui n´avaient pas été hospitalisés (par exemple, admission en unité de soins intensifs, -0,35 DS ; IC de 95 %, -0,49 à -0,20).
Les résultats des analyses étaient similaires à ceux des analyses par appariement sur le score de propension. Dans une comparaison entre le groupe avec des symptômes persistants non résolus et le groupe sans Covid-19, les tâches de mémoire, de raisonnement et de fonction exécutive étaient associées aux déficits les plus importants (-0,33 à -0,20 DS). Ces déficits étaient faiblement corrélés aux symptômes récents, comme une mauvaise mémoire et une confusion mentale.
Aucun événement indésirable n’a été signalé.
Figure : Association entre l´évaluation cognitive globale et la date de l´infection
La figure montre les scores cognitifs globaux moyens en fonction de la date de l´infection (c´est-à-dire le nombre de jours depuis le 1er janvier 2020) parmi les 58 108 participants ayant eu une seule infection par le SARS-CoV-2. La ligne rouge montre les résultats avant l´ajustement des variables temporelles telles que la durée de la maladie, l´hospitalisation et la variante du virus. La ligne grise montre les résultats après l´élimination de ces variables. Les résultats des participants sans Covid-19 (qui n´ont pas été infectés par le SARS-CoV-2 ou avaient une infection non confirmée) sont affichés sur le côté droit du graphique. Les barres d´erreur indiquent l´intervalle de confiance de 95 %.
Les participants avec des symptômes persistants résolus présentaient des fonctions cognitives similaires à celles des participants avec des symptômes de plus courte durée, bien que même une infection à Covid-19 de courte durée soit associée à de légers déficits cognitifs après la guérison. La persistance à long terme de ces déficits et leurs implications cliniques restent incertaines.
Dans cette étude observationnelle, nous avons trouvé des déficits cognitifs objectivement mesurables qui peuvent persister pendant un an ou plus après la Covid-19. Nous avons également constaté que les participants avec des symptômes persistants résolus présentaient de légers déficits dans les scores cognitifs par rapport au groupe sans Covid-19, similaires à ceux des participants avec des maladies de plus courte durée.
Les premières périodes de la pandémie, la durée plus longue de la maladie et l´hospitalisation étaient les facteurs les plus fortement associés aux déficits cognitifs globaux. Les implications à long terme de la persistance de ces déficits cognitifs et leur pertinence clinique restent incertaines et nécessitent une surveillance continue.