Points clés:
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L’objectif principal d’un examen neurologique dans le cadre d’une suspicion de neuropathies périphériques est d’identifier une perte de conductivité du potentiel d’action. Cela se manifeste par une hypoesthésie, une faiblesse musculaire ou une réduction des réflexes (perte de fonction). Les signes de perte fonctionnelle sont caractéristiques des neuropathies périphériques. En revanche, le gain fonctionnel (par exemple, l’hyperalgésie) n’est pas spécifique aux neuropathies, mais est également fréquent dans les affections musculo-squelettiques (par exemple, l’arthrose). Le gain fonctionnel n’est pas l’objectif premier des examens neurologiques périphériques.
Bien que les examens neurologiques fournissent des informations diagnostiques essentielles et aient des implications directes sur les décisions, il existe des variations substantielles dans ce qui est inclus dans un examen neurologique et dans la manière dont il est réalisé. Le manque de preuves sur la mise en œuvre la plus valide et la plus fiable empêche l’adoption de règles strictes.
De ce point de vue, ce travail utilise les principes neuroscientifiques pour proposer des suggestions sur la manière dont les médecins peuvent améliorer la manière dont ils réalisent et interprètent l’examen neurologique dans un cadre de raisonnement clinique. Six défis communs sont mis en évidence et six recommandations sont formulées sur la manière de les surmonter dans la pratique. L’accent sera mis sur le système nerveux périphérique (sensation, force musculaire, réflexes). Cependant, les cliniciens devraient envisager de tester la proprioception ou le système nerveux central si nécessaire.
Défi clinique 1 : Repenser votre approche des tests dermatologiques
Les cliniciens détectent généralement les changements sensoriels dans un schéma dermatomique en utilisant les points de moindre chevauchement optimisés pour reconnaître l’implication des racines nerveuses. Bien que le test dermatologique soit rapide, il présente des limites.
- Premièrement, les cartes dermatomiques varient, ce qui peut limiter l’interprétation. L’altération de la sensation près de l’avant du genou est attribuée aux racines nerveuses L2, L3 ou L4 selon la carte dermatomique utilisée.
- Deuxièmement, les neuropathies affectant les troncs nerveux distaux (par exemple, le syndrome du canal carpien, la neuropathie péronière) sont plus fréquentes que les troubles des racines nerveuses (par exemple, les radiculopathies). Les territoires d’innervation des troncs nerveux périphériques ne coïncident pas toujours avec les points dermatomiques.
Recommandation 1 :
Testez la somatosensation selon un schéma circonférentiel plutôt que d’utiliser des cartes de test ponctuelles des dermatomes et des territoires innervés périphériquement.
Basés sur des cartes d’innervation (mais avec la mise en garde que des études de validité sont nécessaires), deux cercles autour des bras/jambes supérieurs et inférieurs suivis de tests à un chiffre (palmaire/plantaire et dorsal) couvriront la plupart des dermatomes et des territoires d’innervation périphérique. Si des changements sont identifiés, cartographiez plus en détail en utilisant une délimitation en forme d’étoile des changements sensoriels. Utilisez cette approche pour aider à différencier les schémas d’innervation dermatomique des schémas périphériques.
Défi clinique 2 : Test des fibres nerveuses de grande et petite taille
Chez les patients suspectés de neuropathies périphériques, le dépistage neurologique se concentre traditionnellement sur le toucher léger, la force musculaire et les tests réflexes. Ces tests fournissent des informations sur la fonction des fibres nerveuses de grand diamètre. Cependant, ils n’évaluent pas les petites fibres Aδ et C, habituellement affectées dans les neuropathies périphériques. Une petite atteinte des fibres peut être présente même en l’absence de déficits importants en fibres. Se fier uniquement aux tests d’intégrité des grosses fibres nerveuses n’est pas suffisant.
Recommandation 2 :
Des outils peu coûteux comprenant des seuils de douleur mécaniques et une détection thermique ont été développés, suggérés pour une évaluation rapide de la fonction des petites fibres. Il est recommandé aux cliniciens d’inclure un test par piqûre d’épingle circonférentielle dans le cadre d’un examen de dépistage neurologique standard, suivi d’un test thermique dans la zone de douleur maximale (par exemple, avec des pièces de monnaie) si le test par piqûre d’épingle est normal.
Défi clinique 3 : défis liés à la comparaison controlatérale
Les cliniciens comparent souvent les réponses sensorielles et motrices (force musculaire, réflexes) du côté affecté avec les sites asymptomatiques controlatéraux pour corriger la variation normale de l’innervation cutanée et de la fonction motrice le long des extrémités. Des recherches récentes utilisant des équipements de laboratoire sensibles suggèrent que les changements sensoriels homolatéraux semblent être imités du côté controlatéral, bien que dans une moindre mesure, même chez les patients atteints de neuropathies. Il n’est pas clair si ces subtiles modifications controlatérales peuvent masquer des déficits homolatéraux à l’examen clinique.
Il est important de se rappeler que de nombreuses neuropathies périphériques sont bilatérales (par exemple, polyneuropathie diabétique, sténose rachidienne lombaire, la plupart des syndromes du canal carpien) et peuvent masquer des déficits sensoriels et moteurs en comparaison controlatérale. Des modifications bilatérales peuvent également survenir même chez des personnes en bonne santé : environ 1 adulte en bonne santé sur 4 de plus de 60 ans présente une absence bilatérale des réflexes de la cheville.
Recommandation 3 :
Lors de l’interprétation des changements en présence de déficits moteurs ou sensoriels bilatéraux, la comparaison controlatérale n’est plus utile ni sensée.
Pour les tests moteurs, le test d’autres groupes musculaires et réflexes peut fournir des informations supplémentaires. Pour les tests sensoriels, le test d’une zone proximale adjacente (non affectée) (par exemple, abdomen, poitrine, membre proximal) peut ajouter des informations pour vous aider à interpréter les résultats.
Défi clinique 4 : Éléments à prendre en compte pour les tests du myotome
L’évaluation motrice implique classiquement un test manuel du myotome des muscles de base qui peut être complété par une évaluation fonctionnelle (par exemple, marche du talon (L4) ou des orteils (S1)) et l’identification des atrophies. Cependant, les tests musculaires de base ne permettent pas à eux seuls de faire la différence entre une atteinte de la racine nerveuse ou une atteinte du tronc nerveux distal. De plus, les racines nerveuses innervent un large éventail de muscles qui peuvent également varier d’un patient à l’autre. Les tests musculaires peuvent sous-estimer la gravité des déficits moteurs, en particulier chez les patients dont la force est relativement bien préservée.
Recommandation 4 :
Pour déterminer si une faiblesse identifiée lors du test du myotome est compatible avec une atteinte de la racine nerveuse distale ou du tronc, une évaluation plus approfondie est nécessaire. Par exemple, une faiblesse du long extenseur du pouce pourrait être due à une lésion de la racine nerveuse C8 ou du nerf radial. Lorsque les symptômes moteurs sont davantage liés à la fatigue qu’à la force maximale, les cliniciens peuvent envisager d’évaluer la fonction motrice après un effort physique ou d’effectuer des tests répétés. Les résultats du test myotome doivent être interprétés dans le contexte d’autres résultats.
Défi clinique 5 : Interprétation des résultats des réflexes
Bien que les tests réflexes soient essentiels pour compléter un tableau clinique, certains éléments doivent être pris en compte.
- Premièrement, les réflexes tendineux communs ne couvrent pas complètement tous les segments.
- Deuxièmement, les réflexes peuvent ne pas fournir d’informations précises sur le niveau affecté : le réflexe du tendon rotulien est réduit chez 30 % des patients atteints de radiculopathie L5.
Recommandation 5 :
Les réflexes ne sont pas susceptibles d’être interprétés par les patients et ne sont pas directement influencés par la douleur : les réflexes peuvent donc fournir des informations objectives importantes. Cependant, il est important d’interpréter les résultats dans le contexte d’un examen neurologique complet et d’un cadre solide de raisonnement clinique.
Défi clinique 6 : Suivre les progrès : un appel à la quantification
La quantification de l’étendue des déficits neurologiques n’est pas standard en pratique clinique, bien qu’elle soit courante dans d’autres examens musculo-squelettiques (par exemple, amplitude de mouvement de l’épaule). S’il n’est pas mesuré, il est impossible de suivre les progrès (ou la détérioration) au fil du temps.
Recommandation 6 :
Mesurez soigneusement les déficits neurologiques pour vous assurer que vous surveillez objectivement les changements au fil du temps. La quantification des déficits peut éclairer les recommandations thérapeutiques (par exemple, référence à un avis chirurgical en cas de déficits neurologiques progressifs chez les personnes atteintes de radiculopathie) et peut aider les patients à maintenir leur motivation (par exemple, suivre le degré de régénération neuronale au fil du temps).
Il existe des solutions pratiques pour aider les cliniciens à quantifier l’étendue des déficits sensoriels : mesurer l’intensité de la perception sensorielle par rapport à une zone témoin, cartographier la taille de la zone de perte sensorielle ou encore utiliser un équipement spécialisé.
Alors que les tests musculaires manuels sont faciles à mettre en œuvre, un dynamomètre portatif permet une quantification plus objective.
Cependant, la validité de la dynamométrie dans les neuropathies périphériques n’est pas claire. Chez les personnes en bonne santé, la dynamométrie a une corrélation modérée à très élevée avec les tests isocinétiques et est supérieure aux tests musculaires manuels pour détecter les différences mineures entre les côtés et les changements au fil du temps. Cependant, sa fiabilité est influencée par la position de test ou la force de l’examinateur.
Pour les tests de réflexes, deux échelles peuvent être utilisées pour quantifier l’étendue du changement réflexe. À notre connaissance, la validité ou la fiabilité de ces échelles réflexes chez les patients atteints de mono- ou polyneuropathies est inconnue.
Conclusions 6 recommandations basées sur des preuves scientifiques ont été partagées pour aider les médecins à améliorer et interpréter les résultats d’un examen neurologique. Des méthodes simples sont proposées pour quantifier les changements neurologiques et suivre les progrès. Compte tenu de la complexité des présentations, il est essentiel que les professionnels ajustent ce qu’elles incluent en fonction de chaque individu. Lorsqu’ils sont utilisés isolément, les performances diagnostiques de la plupart des tests sont faibles à modérées. S’ils sont utilisés judicieusement, les résultats des examens neurologiques peuvent aider les médecins à poser un diagnostic précis et à prendre des décisions thérapeutiques justifiées. |