Cet article analyse la prise en charge des urgences sous différents aspects à travers l’hématologie : troubles liés à la drépanocytose, tumeurs malignes, hémorragies et thromboses, complications liées aux transfusions et urgences hématologiques générales.
Urgences drépanocytaires |
> Crise vaso-occlusive (COV)
Également connue sous le nom de « crise drépanocytaire », la CVO est la présentation la plus courante de la drépanocytose (SCD). L’adhésion des globules rouges entraîne un blocage des vaisseaux sanguins, ce qui affecte l’apport d’oxygène aux tissus. Cela entraîne une ischémie et une inflammation des os, aboutissant à des douleurs aiguës (au niveau des os longs, de la colonne lombaire, des côtes ou des grosses articulations).
La prise en charge comprend une analgésie appropriée dans les 30 minutes suivant la présentation, une réévaluation toutes les 30 minutes jusqu’à ce que la douleur soit correctement contrôlée, puis toutes les 4 heures. Un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) et un opioïde faible peuvent être utilisés pour soulager une douleur modérée. Une douleur intense doit être traitée avec un opioïde puissant. Une oxygénothérapie doit être administrée aux patients présentant une OVC aiguë pour maintenir une saturation en oxygène ≥95 %.
> Syndrome thoracique aigu (AST)
La STA est une maladie aiguë caractérisée par de la fièvre et/ou des symptômes respiratoires, accompagnés d’un nouvel infiltrat pulmonaire à la radiographie pulmonaire. Elle survient chez plus de 50 % des patients présentant de la fièvre, de la toux, des douleurs thoraciques et une dyspnée, accompagnées d’hypoxie (> 80 % chez l’adulte).
En plus de l’oxygénothérapie et de l’analgésie, les patients atteints de ATS doivent toujours recevoir des antibiotiques empiriques pour le traitement d’une pneumonie communautaire suspectée. Une transfusion sanguine doit être envisagée lorsque les valeurs d’hémoglobine atteignent 60-70 g/litre.
> Réaction hémolytique transfusionnelle retardée (RTHR) et hyperhémolyse
Les patients atteints de drépanocytose courent un risque élevé d’allo-immunisation, ce qui peut entraîner une RTHR (généralement 5 à 7 jours) et une hyperhémolyse dans les cas extrêmes, avec un risque rapide de mort. La prise en charge repose sur l’immunomodulation et l’immunosuppression (par exemple, immunoglobuline et méthylprednisolone ou anticorps monoclonaux pour les cas graves).
> AVC aigu
La drépanocytose aiguë dans la circulation cérébrale peut entraîner un accident vasculaire cérébral ischémique accompagné de convulsions ou de blessures aux membres. Une imagerie par résonance magnétique ou une tomodensitométrie doivent être réalisées, selon la disponibilité, pour évaluer une maladie artérielle ou des hémorragies intracrâniennes. La transfusion sanguine ou l’exsanguinotransfusion seront considérées comme des options thérapeutiques en fonction des valeurs d’hémoglobine du patient.
> Priapisme
Les patients de sexe masculin qui présentent un épisode priapique douloureux et rigide d’une heure doivent consulter immédiatement un médecin. La prise en charge initiale comprend les soins standard pour les CVO et l’initiation d’un agent adrénergique.
Urgences hémato-oncologiques |
> Sepsis neutropénique
Il s’agit d’une complication courante potentiellement mortelle chez les patients hématologiques, soit en tant que signe révélateur, soit à la suite d’un traitement. Elle est définie comme une température ≥38°C ou tout symptôme/signe de sepsis, chez un patient ayant un nombre de neutrophiles ≤0,5 x 10 9 /litre.
Il est conseillé aux personnes recevant une chimiothérapie et un traitement immunosuppresseur de surveiller leur température et de rechercher des symptômes d’infection à la maison. Des antibiotiques intraveineux à large spectre doivent être instaurés dans l’heure qui suit la prise d’hémocultures. En cas de sepsis sévère, il sera pris en charge par oxygénothérapie, hydratation parentérale et cathéter urinaire en collaboration avec les équipes de soins intensifs et d’hématologie.
> Compression de la moelle épinière
Elle survient chez jusqu’à 5 % des patients atteints de myélome multiple à la suite d’une infiltration tissulaire ou d’une fracture vertébrale. Cela nécessite un diagnostic et un traitement rapides pour éviter des dommages irréversibles. Les symptômes dépendent du site, de l’étendue et de la vitesse d’évolution de la blessure et comprennent des douleurs, une perte de sensation, une faiblesse des extrémités, des difficultés à marcher et une perturbation du sphincter ou un dysfonctionnement intestinal.
Les corticostéroïdes doivent être instaurés immédiatement, sauf contre-indication. Une consultation en neurochirurgie et en oncologie clinique est recommandée pour envisager respectivement une intervention chirurgicale et une radiothérapie locale.
> Grosse masse médiastinale
Les patients peuvent présenter une dyspnée aiguë ou progressive, une toux, de la fièvre et un œdème des membres supérieurs provoqués par la compression de la veine cave supérieure. Les lymphomes de haut grade en sont la principale cause. Le traitement comprend des mesures urgentes pour maintenir les voies respiratoires, une intervention chirurgicale, une décompression et une radiothérapie localisée.
> Hyperleucocytose
Ils présentent un nombre de globules blancs > 100 x 10 9 /litre et des symptômes comprenant une dyspnée, des maux de tête, une confusion et une hémorragie rétinienne. La leucémie aiguë et la phase blastique de la leucémie chronique en sont des causes fréquentes. La prise en charge précoce comprend l’hydratation, la chimiothérapie et potentiellement la leucaphérèse.
> Syndrome de lyse tumorale (TLS)
C’est une complication fréquente chez les patients sous chimiothérapie ou présentant une hyperleucocytose. Le TLS se caractérise par des anomalies électrolytiques et métaboliques telles qu’une hyperuricémie, une hyperphosphatémie, une hyperkaliémie, une hypocalcémie, une lésion rénale aiguë ou une arythmie cardiaque. Il doit être prévenu et traité par une hydratation intensive et l’utilisation d’allopurinol en prophylaxie, de rasburicase et de dialyse lorsque cela est indiqué.
> Hypercalcémie
Cela survient dans plus de 30 % des cas de myélome multiple. Les patients peuvent être asymptomatiques ou présenter de la fatigue, des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales, une perte d’appétit, de la soif, une polyurie, une faiblesse musculaire et des douleurs osseuses, évoluant vers une confusion sévère et rarement vers le coma. Une insuffisance rénale et des anomalies cardiaques, telles que des arythmies et des intervalles QT raccourcis, peuvent survenir. Le traitement doit viser une réduction aiguë des concentrations de calcium, y compris l’utilisation de liquides intraveineux et de bisphosphonates, ainsi qu’un traitement étiologique généralement par des corticostéroïdes.
> Leucémie promyélocytaire aiguë (LPA)
L’ALI doit être suspectée chez tout patient présentant des caractéristiques cliniques de leucémie aiguë et d’hémorragies sévères et/ou de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Une fois le diagnostic confirmé, un traitement par acide transrétinoïque doit être instauré.
Urgences hémostatiques et thrombotiques |
> Embolie pulmonaire aiguë
Le traitement ne doit pas être retardé en attendant l’imagerie diagnostique, en particulier chez les patients présentant une instabilité hémodynamique. En cas de suspicion clinique de l’affection probable, évaluer les signes de choc (tension artérielle <90 mmHg) et envisager une angiographie pulmonaire par tomodensitométrie. Un risque intermédiaire ou élevé de dysfonctionnement ventriculaire droit et de marqueurs cardiaques anormaux justifie une thrombolyse systémique.
> Hémorragie aiguë dans les hémophilies A et B
Pour les hémorragies articulaires aiguës, un facteur de remplacement (VIII ou IX) doit être administré sur une période de 24 à 48 heures avec des concentrations minimales cibles de 60 à 70 %. Des mesures supplémentaires comprennent le repos, l’immobilisation, l’analgésie et une thérapie physique précoce.
Les traumatismes majeurs nécessitent un accès immédiat à des concentrés de facteurs de remplacement, en visant des niveaux maximaux de 100 %, notamment lorsqu’ils touchent la tête, le cou ou l’abdomen, car ces traumatismes peuvent mettre la vie en danger. .
> Coagulation intravasculaire disséminée
La CIVD est une coagulopathie de consommation qui provoque une thrombocytopénie, des temps de coagulation prolongés et/ou une hypofibrinogénémie. Lors de la prise en charge, il est important de traiter la cause sous-jacente, telle qu’une infection, un traumatisme, un cancer ou des complications obstétricales. Les patients présentent des saignements et/ou une thrombose, ou présentent uniquement des paramètres de laboratoire altérés.
Les patients présentant des saignements doivent recevoir des composants sanguins pour corriger les troubles de la coagulation : plasma frais congelé (FFP) en traitement initial, plaquettes et cryoprécipités en cas de déficit en fibrinogène. La thrombose peut être artérielle ou veineuse, ou toucher de petits vaisseaux provoquant un purpura fulminans. L’héparine peut être administrée avec une surveillance correspondante.
> Saignement et chirurgie d’urgence avec anticoagulation
La prise en charge des saignements comprend un soutien hémodynamique, une transfusion de globules rouges en cas d’anémie, des interventions pour traiter les sites hémorragiques, l’arrêt de l’anticoagulant et une inversion urgente. La chirurgie d’urgence chez les patients prenant des anticoagulants nécessite également l’arrêt et/ou l’inversion des agents. Chaque anticoagulant a son test d’anticoagulation et son agent d’inversion correspondants.
> Purpura thrombocytopénique thrombotique (PTT)
Le TTP est une microangiopathie thrombotique potentiellement mortelle avec un taux de mortalité aiguë de 90 % si elle n’est pas traitée en urgence. Les patients présentent une thrombocytopénie sévère, une hémolyse et des globules rouges fragmentés dans les frottis sanguins.
Le traitement d’urgence implique une plasmaphérèse avec PFC, une immunosuppression avec des corticostéroïdes et/ou du rituximab et du caplacizumab (un inhibiteur de l’agrégation plaquettaire).
Urgences liées aux transfusions |
> Hémorragie majeure
Elle est définie comme : (1) la perte d’un volume sur une période de 24 heures, (2) une perte de volume de 50 % en 3 heures, (3) une perte de sang à un débit de 150 ml/minute, ou (4) saignement suffisant pour augmenter la fréquence cardiaque à > 110 battements par minute et/ou une baisse de la pression artérielle systolique à < 90 mmHg.
Des globules rouges et/ou des plaquettes concentrés doivent être administrés conformément aux valeurs de laboratoire. Le PFC empêche le développement d’une coagulopathie de dilution. Le remplacement du fibrinogène peut être effectué avec un cryoprécipité. À moins que les antifibrinolytiques tels que le tranexamique ne soient contre-indiqués, ils peuvent être utilisés sous forme de bolus intraveineux ou de dose d’entretien.
> Réactions transfusionnelles aiguës
Les réactions aiguës aux transfusions sanguines peuvent être graves et mettre la vie en danger, c’est pourquoi une détection précoce est essentielle pour fournir un traitement approprié.
• Réaction hémolytique aiguë : Elle est provoquée par la transfusion de globules rouges incompatibles ABO. Cela active la cascade du complément et produit une réponse inflammatoire médiée par les cytokines conduisant à une hémolyse intravasculaire. Les patients présentent une détérioration clinique rapide avec progression vers une insuffisance rénale aiguë et une CIVD. Un arrêt immédiat de la transfusion et un soutien médical approprié sont nécessaires.
• Transfusion contaminée par des bactéries : Peu fréquente en raison des techniques de traitement modernes, la présentation est similaire à une réaction hémolytique aiguë ou à une réaction allergique sévère, avec une augmentation de la température. La prise en charge repose sur une antibiothérapie associée à un soutien hémodynamique en cas de signes de sepsis.
• Réaction allergique ou anaphylactique : Des réactions allergiques minimes se manifestent avec de l’urticaire et/ou des démangeaisons après le début de la transfusion et nécessitent des antihistaminiques et une diminution du débit de perfusion si les symptômes ne progressent pas. Les réactions anaphylactiques sévères sont des événements rares mais potentiellement mortels avec hypotension, dyspnée, bronchospasme, angio-œdème ou urticaire. La prise en charge comprend l’arrêt immédiat de la transfusion suivi d’une prise en charge standard de l’anaphylaxie : oxygénothérapie, épinéphrine intramusculaire, chlorphénamine et hydrocortisone intramusculaires/intraveineuses et nébulisation de salbutamol pour le bronchospasme.
• Lésion pulmonaire aiguë liée à la transfusion : Apparaît dans les 6 heures suivant la transfusion. Les patients présentent une dyspnée sévère, une toux non productive, une hypotension et parfois de la fièvre et des frissons. La radiographie pulmonaire montre des infiltrats bilatéraux (motif en ailes de chauve-souris). Il est difficile de le distinguer des autres types de syndrome de détresse respiratoire aiguë, comme l’insuffisance cardiaque décompensée, mais la prise en charge est similaire.
• Surcharge circulatoire associée à la transfusion : se présente dans les 6 heures suivant la transfusion avec un œdème pulmonaire aigu ou qui s’aggrave, une détresse respiratoire, une tachycardie, une hypertension et un bilan hydrique positif. La prise en charge nécessite l’arrêt de la transfusion et l’administration d’oxygène et de diurétiques. Les mesures préventives comprennent la prescription de volumes sanguins et de taux de transfusion appropriés et l’utilisation de diurétiques prophylactiques.
Urgences hématologiques générales |
> Anémie aiguë
Le volume corpusculaire moyen (VGM) peut aider à guider l’investigation d’une présentation aiguë d’anémie. Un MCV faible peut indiquer une carence en fer due à une perte de sang chronique, tandis qu’un MCV élevé suggère une hémolyse causée par une réticulocytose ou une carence en vitamine B12/folate. Lorsque l’anémie aiguë s’accompagne d’une leucopénie et d’une thrombocytopénie, le diagnostic de leucémie aiguë ou d’anémie aplasique doit être envisagé.
Le traitement dépend de l’étiologie. Par exemple, des corticostéroïdes peuvent être administrés pour l’hémolyse auto-immune ou du fer pour les états de carence, ainsi qu’un soutien transfusionnel si l’anémie est symptomatique ou si les concentrations d’hémoglobine sont <70 g/litre ou <80 g/litre avec des facteurs de risque. associés.
> Purpura thrombocytopénique immunitaire
Le saignement est généralement de nature cutanéo-muqueuse et léger, mais peut également entraîner de graves saignements gastro-intestinaux ou urologiques. Une hémorragie intracrânienne spontanée doit être envisagée chez les patients présentant des maux de tête sévères et une thrombocytopénie.
Les hémorragies sévères d’apparition aiguë doivent être traitées par transfusion de plaquettes. En cas de destruction des plaquettes transfusées, une immunomodulation (immunoglobuline humaine ou corticostéroïdes) doit être instaurée.