Utilité des bêta-bloquants après un infarctus du myocarde

Un essai n’a pas conduit à une réduction du risque du critère d’évaluation principal.

Septembre 2024
Utilité des bêta-bloquants après un infarctus du myocarde
Photo by Robina Weermeijer on Unsplash

La plupart des essais montrant un bénéfice du traitement par bêta-bloquants après un infarctus du myocarde incluaient des patients ayant subi de gros infarctus et ont été réalisés à une époque où le diagnostic moderne de l´infarctus du myocarde basé sur des biomarqueurs n’était pas encore utilisé, de même que les traitements par intervention coronarienne percutanée, les agents antithrombotiques, les statines à forte intensité et les antagonistes du système rénine-angiotensine-aldostérone.

Dans un essai en groupes parallèles et en ouvert mené dans 45 centres en Suède, Estonie et Nouvelle-Zélande, nous avons réparti au hasard des patients présentant un infarctus du myocarde aigu, ayant subi une coronarographie et ayant une fraction d´éjection ventriculaire gauche d´au moins 50 %, en deux groupes : l´un recevant un traitement à long terme par bêta-bloquant (métoprolol ou bisoprolol), et l´autre sans traitement par bêta-bloquant. Le critère d’évaluation principal était une combinaison de décès, quelle qu’en soit la cause, ou un nouvel infarctus du myocarde.

De septembre 2017 à mai 2023, un total de 5 020 patients ont été inclus (dont 95,4 % en provenance de Suède). La durée médiane de suivi a été de 3,5 ans (intervalle interquartile, 2,2 à 4,7).

Un événement lié au critère d’évaluation principal est survenu chez 199 des 2 508 patients (7,9 %) dans le groupe bêta-bloquant et chez 208 des 2 512 patients (8,3 %) dans le groupe sans bêta-bloquant (rapport de risque, 0,96 ; intervalle de confiance à 95 %, 0,79 à 1,16 ; p = 0,64).

Le traitement par bêta-bloquant ne semble pas avoir conduit à une réduction de l´incidence cumulée des critères secondaires (décès, quelle qu’en soit la cause, 3,9 % dans le groupe bêta-bloquant et 4,1 % dans le groupe sans bêta-bloquant ; décès d´origine cardiovasculaire, 1,5 % et 1,3 % respectivement ; infarctus du myocarde, 4,5 % et 4,7 % ; hospitalisation pour fibrillation auriculaire, 1,1 % et 1,4 % ; hospitalisation pour insuffisance cardiaque, 0,8 % et 0,9 %).

Concernant les critères de sécurité, une hospitalisation pour bradycardie, bloc auriculo-ventriculaire du second ou troisième degré, hypotension, syncope ou implantation d’un stimulateur cardiaque a eu lieu chez 3,4 % des patients du groupe bêta-bloquant contre 3,2 % dans le groupe sans bêta-bloquant ; une hospitalisation pour asthme ou maladie pulmonaire obstructive chronique s’est produite dans 0,6 % des deux groupes ; et une hospitalisation pour AVC dans 1,4 % et 1,8 % des cas respectivement.

 

 

Chez les patients présentant un infarctus du myocarde aigu ayant subi une coronarographie précoce et une fraction d´éjection ventriculaire gauche préservée (≥50 %), le traitement à long terme par bêta-bloquant n´a pas réduit le risque d’événements liés au critère d’évaluation principal composite (décès, quelle qu’en soit la cause, ou nouvel infarctus du myocarde) par rapport à l’absence de traitement par bêta-bloquant.

Les bêta-bloquants pourraient ne pas être bénéfiques pour de nombreux survivants d´un infarctus

Une étude suggère que leur utilisation systématique est probablement inutile pour les personnes ayant une fraction d´éjection normale.

La prise de bêta-bloquants après un infarctus du myocarde n´a pas significativement réduit le risque de décès ou de second infarctus chez les personnes avec une capacité cardiaque normale, mesurée par une fraction d´éjection de 50 % ou plus, selon une étude présentée à l’American College of Cardiology.

Les résultats remettent en question l´utilisation systématique des bêta-bloquants pour tous les patients après un infarctus du myocarde, pratique qui constitue un pilier des soins médicaux depuis des décennies. Environ 50 % des survivants d´un infarctus du myocarde ne développent pas d´insuffisance cardiaque. Chez ces patients, l’étude n’a montré aucune différence dans le critère d’évaluation principal composite (décès, quelle qu’en soit la cause, ou nouvel infarctus non mortel) entre ceux auxquels des bêta-bloquants ont été prescrits et ceux qui n’en prenaient pas.

« Je pense qu´après cette étude, de nombreux médecins ne verront plus la nécessité de traiter systématiquement tous leurs patients avec des bêta-bloquants après un infarctus du myocarde », a déclaré Troels Yndigegn, MD, cardiologue interventionnel à l´université de Lund en Suède et auteur principal de l´étude. « Nous croyons que les preuves soutiennent toujours l’utilisation des bêta-bloquants chez les patients ayant eu un infarctus du myocarde important qui développent une insuffisance cardiaque, mais pour les patients sans signe d´insuffisance cardiaque et avec une fraction d´éjection normale, cet essai montre qu´il n´y a aucune indication que l´utilisation systématique des bêta-bloquants soit bénéfique. »

L´insuffisance cardiaque survient lorsque le muscle cardiaque devient trop faible ou rigide pour pomper efficacement le sang. Elle est principalement évaluée en termes de fraction d´éjection ventriculaire gauche, qui représente la proportion de sang expulsé du ventricule gauche à chaque battement. Une fraction d´éjection supérieure à 40 %-50 % est considérée comme normale.

Les bêta-bloquants réduisent la pression artérielle en inhibant certaines hormones, comme l´adrénaline, qui accélèrent le rythme cardiaque. De nombreux médecins prescrivent des bêta-bloquants à tous les patients après un infarctus du myocarde, généralement pendant au moins un an, voire pour le reste de leur vie, sur la base de preuves montrant qu´ils peuvent aider à prévenir un second infarctus. Cependant, les chercheurs ont souligné que les essais cliniques qui ont conduit à cette utilisation systématique des bêta-bloquants ont été menés avant l´arrivée de nombreuses procédures modernes aujourd´hui couramment utilisées pour déboucher les artères.

« À cette époque, les dommages au muscle cardiaque étaient plus importants que ceux que nous observons aujourd´hui, et nous n´avions pas la capacité de revasculariser les patients par intervention coronarienne percutanée et pose de stents comme nous le faisons aujourd´hui », a déclaré Yndigegn. « Aujourd´hui, nous voyons plutôt des infarctus du myocarde plus petits qui ne causent pas autant de dommages au muscle cardiaque. »

Pour clarifier les bénéfices potentiels des bêta-bloquants dans ce contexte en évolution, l´étude REDUCE-AMI a recruté 5 020 patients traités pour infarctus aigus du myocarde dans 45 centres en Suède, en Estonie et en Nouvelle-Zélande, et participant au registre SWEDEHEART. Tous les patients présentaient une fraction d´éjection de 50 % ou plus, évaluée par échocardiographie dans la semaine suivant l´infarctus. La moitié des participants ont été assignés au hasard à une prise à long terme de bêta-bloquants, tandis que l´autre moitié n´en prenait pas.

Sur une période médiane de suivi de 3,5 ans, aucune différence significative n´a été observée entre les groupes concernant le critère d´évaluation principal composite ou les résultats cliniques secondaires tels que l´insuffisance cardiaque, la fibrillation auriculaire ou des symptômes comme des douleurs thoraciques et des essoufflements. Aucune différence n´a été constatée non plus concernant les résultats de sécurité tels que les AVC, une pression artérielle anormalement basse ou des évanouissements.

Les chercheurs ont indiqué que l´absence de bénéfices associés aux bêta-bloquants dans ce groupe de patients pourrait potentiellement libérer de nombreux patients de la nécessité de prendre ces médicaments, leur évitant ainsi des effets secondaires tels que des troubles de l’humeur, de la fatigue et des dysfonctions sexuelles.

« De nombreux patients signalent des effets secondaires ou les soupçonnent à cause de ces médicaments, donc je pense que cette découverte aura un impact sur des milliers de patients », a déclaré Yndigegn.

L’étude n´incluait pas de groupe placebo, et les participants savaient à quel groupe ils étaient assignés. Bien que cette approche en ouvert puisse introduire des biais, les chercheurs ont estimé qu’il était peu probable que cela affecte des résultats tels que le décès ou les infarctus du myocarde. Yndigegn a ajouté que les résultats devraient être généralisables au-delà de la population étudiée, précisant que d´autres études observationnelles sont en cours pour mieux comprendre l´utilisation systématique des bêta-bloquants dans diverses populations.

Les chercheurs prévoient d’analyser séparément les résultats liés à la qualité de vie et à la santé sexuelle.

L’étude a été financée par le Conseil suédois de la recherche, la Fondation suédoise du cœur et des poumons et le Conseil du comté de Stockholm.

Référence : Beta-Blockers after Myocardial Infarction and Preserved Ejection Fraction Troels Yndigegn, Bertil Lindahl, Katarina Mars, Joakim Alfredsson, et al. pour les investigateurs de REDUCE-AMI. NEJM DOI : 10.1056/NEJMoa2401479. (Financée par le Conseil suédois de la recherche et autres ; numéro REDUCE-AMI ClinicalTrials.gov, NCT03278509).